Pour conclure notre analyse, nous allons consacrer un chapitre entier à ceux qui ont créé cette série. Et comme tous les films sont le résultat d’un travail d’équipe, nous allons regarder un par un les artistes qui ont contribué au succès de cette œuvre. Le film commence toujours par le scénario, sauf s’il s’agit d’une adaptation, ce qui est le cas, c’est pour ça que le premier sous-chapitre est dédié à l’écrivain.
I. L’auteur, Julian Semenov (Юлиан Семёнов)

Commençons par quelques notions pour que nous puissions déterminer ce que nous attendons d’une œuvre littéraire.
Le livre selon Le Grand Robert : « Assemblage d’un assez grand nombre de feuilles portant des signes destinés à être lus. » Mais ce qui donne l’essentiel à un livre, ce sont exactement les signes qui sont dedans, les lettres qui donnent les mots, les mots qui donnent les phrases et les phrases qui donne l’histoire. De quoi se compose une histoire ? Premièrement c’est l’intrigue qui, on peut dire, le plus important parce qu’on peut considérer l’intrigue comme une route sur laquelle le lecteur va marcher et les différents événements qui se succèdent dans l’histoire, on peut les considérer comme des bornes kilométriques. Deuxièmement la présentation adéquate des personnages, les descriptions des lieux et les dialogues qui contiennent bien entendu le message de la conversation mais également l’atmosphère dans laquelle les dialogues se déroulent. Et beaucoup d’autres choses aussi.
Qu’est-ce qu’on attend d’un écrivain ? Construire une intrigue, la route sur laquelle le lecteur va faire un voyage fascinant. Monter de façon cohérente et artistique les bornes kilométriques, que les événements qui se succèdent suivent une chaîne logique, sinon on se perde comme on se perde sur une route au bord de laquelle des panneaux trompeurs ont été placés. Et finalement que l’atmosphère de l’histoire soit donnée par les descriptions.
Le but de notre série d’articles était d’analyser la série télévisée, nous n’avons pas analysé le livre mais nous ne pouvions pas nous empêcher de lire quelques scènes dans le livre. On pouvait constater que Julian Semenov n’apportait pas du soin à perfectionner ses scènes, ses dialogues et ses descriptions. Ce qui donne que le livre est plus proche d’un rapport que d’une œuvre littéraire. Il a sans doute suivi le conseil de Müller qui disait à Eismann : « Laissez les métaphores aux bonzes du parti. Nous, les enquêteurs, devons nous exprimer avec des noms et des verbes. » Et il a fut ainsi. L’intrigue est captivant mais si on regarde par exemple la scène où le pasteur et Klaus mènent un débat sur la nature humaine, l’auteur n’a pas du tout donné de repère pour le lecteur en ce qui concerne l’endroit où cette conversation se déroule, les sentiments des personnages ou leurs émotions. Ce n’est qu’un dialogue, si parfois Klaus n’appelait pas son interlocuteur pasteur, nous ne saurions même pas qui est en train de parler. Mais le film nous donne une scène complète : ils sont probablement dans le grenier ou dans la cave, le pasteur est en train de réchauffer le repas de Klaus sur un réchaud gaz, l’orgue se retentit et on entend chanter des enfants. Donc l’atmosphère qui englobe la scène n’a pas été donnée et imaginée par l’auteur mais par la réalisatrice, Tatiana Lioznova qui a transformé le livre en une œuvre vivante.
Julian Semenov était un écrivain très populaire avec ses romans d’espionnage. Ce n’était pas son premier roman ni la première histoire de son héros, Stierlitz qui a été adapté à la télévision mais la série Les 17 moments du printemps était et est restée la plus populaire de tous.
Julian Semenov commençait sa carrière comme journaliste et correspondant de guerre. Son premier roman était un roman de détective mais plus tard il a changé de genre et il a commencé à écrire des romans d’espionnage à la demande du chef du KGB, Iouri Andropov qui voulait populariser le métier des agents. Il a même autorisé Julian Semenov de consulter des dossiers dans l’archive du KGB pour que ces histoires soient plus authentiques.
M. Semenov a créé la figure de Stierlitz en 1966 et il a écrit 14 tomes de son histoire au fil des années, le dernier a été publié en 1990. Le roman qui a servi de base pour la série a été publié en 1969 dont il a également écrit l’adaptation pour le studio Lenfilm mais finalement c’était Tatiana Lioznova qui a réalisé la série pour le Gorki Film Studio.
Parfois on constate des « trous » dans l’histoire, c’est-à-dire des scènes manquantes, des informations manquantes. Nous savons que l’auteur a travaillé en étroite collaboration avec le KGB ce qui implique qu’il a dû effacer parfois des scènes qui contenaient des informations avec lesquelles le KGB voulaient encore travailler, donc il a dû sacrifier quelques scènes. Mais si c’était le cas, il devait quand-même remplacer ces scènes pour que la dramaturgie soit respectée.
Comme nous avons déjà mentionné Julian Semenov n’était pas un véritable écrivain, il était plutôt journaliste. Un écrivain ne s’était pas contenté de voir effacer ses scènes sans remplir les trous. Est-ce que l’on peut considérer les paroles de Klaus comme une déclaration de l’auteur : « Si je pouvais écrire des romans ou des poèmes je ne travaillerais pas pour vous. »